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la machine à t'écrire

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8 février 2012

EPHEMERIDE

P1070822 EPHEMERIDE

Vous aimez être à l’heure. Pour être sûre d’être à l’heure et de  garder la maîtrise du temps, de votre temps, vous aimez même être en avance aux rendez-vous et tout au long de cette année 2011, vos rendez-vous ont été nombreux.

En janvier, je vous ai croisée  revenant chez vous à petits pas rapides, portant un carton  bien trop lourd pour vous. « Un ordinateur » me dites-vous, pour remplacer un peu ces voyages que vous ne ferez plus: Lisbonne était le dernier.

Pour mieux assouvir votre insatiable curiosité du monde actuel vous avez décidé de découvrir Google et d’envoyer des mails à vos enfants, à vos petits-enfants,  avec qui,   vous partagez tant de rires, de jeux, d’espérances. « Une surprise », me précisez-vous, en me confiant votre carton. Comme vous le souhaitiez j’ai gardé le secret.

En février, vous avez pris quelques cours avec un garçon que vous trouvez charmant, vous exerçant quotidiennement à manier la souris : les mails, vous avez commencé à les lire,  et chercher des chansons sur Internet vous a amusé. De la musique sud-américaine ou cubaine comme la chanson Guantanamera, souvenir rapporté du voyage à Cuba. Bientôt, vous alliez atteindre votre objectif, comme vous l’aviez décidé : envoyer des mails. Dehors, le temps était froid et vos promenades quotidiennes devenaient plus fatigantes.

En mars, la machine s’est enrayée. Vous avez accepté d'être accompagnée pour vos rendez-vous  chez le cardiologue, chez l’ophtalmo, chez le radiologue.  Puis, sans rien ne dire à personne, la nuit, SOS Médecins répondait à vos angoisses.

Avril. Les douleurs prennent le dessus et vous annoncez : j’ai une trace suspecte au poumon. En fait vous le saviez, depuis une année. Comme vous l’avez rappelé à vos proches, ne rien dire ce n’est pas mentir : avec ce silence vous veniez de vous donner une année de liberté, sans aucun traitement contre ce cancer du poumon, déjà métastasé. Le pneumologue qui disait philosopher avec vous avait oublié de vous parler de la douleur qui vous attendait, pour un sinistre rendez-vous.

Avec lucidité, vous demandez à entrer dans une maison médicalisée. « Je n’ai pas le choix »affirmez-vous à vos enfants et amis, désolés par cette demande. D’ailleurs, il faut  organiser de nouveaux rendez-vous : votre valise est déjà prête. Un médecin, séduisant à vos yeux, « un peu comme George Clooney ou Pierre-Antoine » dites-vous,  sait vous convaincre  de commencer à prendre en charge la douleur, de pratiquer quelques examens. Un lundi après-midi, vous quittez votre appartement pour la clinique, un bagage léger dans le coffre de la voiture. Vous le savez déjà, vous ne reviendrez pas et, sans une plainte, vous laissez se fermer la porte sur vos souvenirs.

Sous le soleil du mois de Mai, vous avez le plaisir de voir Antonin courir dans le parc de la maison de repos. Votre arrière-petit-fils, vous l’avez tellement désiré, autant que ses parents. Le voir grandir vous a soutenu, suffisamment fort pour repousser l’idée de la maladie. Vos amis, sans connaître la petite fille aux boucles blondes, au visage fin et au regard aigu de vos photos d’enfance sont frappés par la ressemblance.  Une petite sœur doit naître en novembre et vous voulez la connaître.

Avec d'autres malades vous échangez les espoirs d’une vie  moins difficiles, vous osez encore penser des joies à venir.

En Juin, le médecin,  vous rend visite un jour sur deux ; il sait vous réconforter et vous fait accepter la nécessité d’être accompagnée médicalement.  « Il a du charme » déclarez-vous en souriant, comme pour révéler une qualité rare chez ce garçon.

Le charme ! Vous aimez tant charmer, votre point fort. Et être charmée, votre point faible.

Tout au long d’une enfance triste marquée par la solitude, vous avez découvert  qu’à défaut d’être aimée, vous pouviez charmer et  qu’un sourire pouvait vous rendre heureuse.  C’était demander trop  peu, mais vous n’aviez reçu rien d’autre.  A vingt ans, dans la France libérée ce fût un passeport pour des jours de gaîté, des soirées pour danser dans les bals, à Paris, avec des soldats américains au physique de vedettes de cinéma. Pour rêver de pays lointains. Après les années de pensionnat vous découvrez la liberté et la  vie professionnelle. Comme un cadeau qui vous émerveillera toujours vous rencontrez en même temps l’indépendance et la reconnaissance de vos qualités.

Et en plus, vous rencontrez l’amour,  le grand amour, celui chanté par Edith Piaf, dans l’Hymne à l’amour. Seulement vous demandez trop peu pour résister à celui dont la seule promesse fût un sourire et vous ne pourrez  aimer celui dont le sourire vous paraissait manquer de charme, mais que vous épousez.

 Et en plus, vous bâtissez  les amitiés les plus fidèles. Je suis fidèle en amitié, disiez-vous. Vos amis vous accompagnent tous aujourd’hui.

En Juillet, une place se libère dans un établissement spécialisé; dans votre petite chambre, toujours élégante, mais avec un sourire triste, vous recevez : vos amis font quelques pas avec vous dans le jardin. Votre démarche est hésitante, vous semblez tellement fragile.

Tous se relaient auprès de vous, vous téléphonent. Vous êtes alors si entourée. Et si seule. La maladie ne vous laisse aucun répit, chaque jour la douleur est au rendez-vous.

En Août, il n’y aura plus de sorties, plus besoin de carnet de rendez-vous.

Septembre et octobre n’apportent que misère et tristesse. Pourtant vous ne lâchez pas prise, vous voulez conserver votre dignité, votre seul bien.

Déterminée, pour le dernier rendez-vous, vous avez décidé, en femme libre, comme toujours, d’arriver en avance. Un sourire, un signe de la main à votre famille, rassemblée auprès de vous et les heures passent, les yeux demeurent clos, le souffle devient court puis s’arrête. C’est bien ainsi.

Le dimanche 9 octobre 2011, 21 heures 30, l’éphéméride est refermée.

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25 mars 2009

In memoriam

P1010025Quand le labeur
de vos journées
et les lectures
de vos nuits
vous tendent un seul
et même miroir
qui est l’écran
de votre ordinateur,
il y a urgence
à créer votre blog :
grâce au premier internaute
qui vous rend visite,
le cercle
cesse d’être vicieux.
Dominique AUTIE

6 octobre 1949 - 27 mai 2008

25 février 2009

Que de contes autour de la truffe!

Tout d’abord, qu’on se le dise,  en France, la truffe du Périgord, dite Truffe vraie, Truffe noire, Rabasse est d’ailleurs : sur les quarante tonnes de Tuber melanosporum produites habituellement, 80% viennent du Tricastin. Tout du moins c’est ce qui se dit à Richerenches, autoproclamé 1er marché de France, qui rassemble chaque samedi d’hiver, caveurs qui proposent leurs rabasses, courtiers, gendarmes et touristes.

La melano, comme aiment à le dire les initiés, se vend entre 600 et 800 euros le kg. Cachée au fond d’un sac plastique usagé, terreuse, mélangée à d’autres variétés ou entassée dans des cagettes, elle s’échange contre des billets. Des euros, bien sûr, mais aussi des petits papiers sur lesquels le vendeur inscrit la nature de la transaction. Il faut sentir, gratter, examiner et se décider rapidement. A ce prix là, il y a des files d’attente dans l’avenue bordée de platanes dénudés, remontée par le Mistral et encombrée de voitures rangées en épi, le haillon arrière en l’air ; une balance installée dans le coffre, les acheteurs se bousculent, les gendarmes discutent, les touristes font des photos. Jusqu’à deux tonnes auraient ainsi changées de mains un certain samedi de janvier.

Si la Melano, Ascomycètes, famille des Tubéracées, genre Tuber, est qualifiée de diamant noir, c’est bien sûr à cause des facettes qui ornent la peau et constituent un signe distinctif de qualité. Car il faut pouvoir la reconnaître parmi les quelques quatre-vingt sortes d’autres truffes. Dans les faits seulement deux rivales, la Brumale et la Chinoise, tentent, parfois, de se faire passer pour ce qu’elles ne sont pas. Nous ne dirons rien de la truffe blanche d’été, dédaignée par les Provençaux, ni de la truffe blanche d’Alba, purement italienne, encore plus chère que notre Melano.

Evoquons en premier lieu, la Tuber Brumale, plus brune dont la peau, le péridium, s’écaille facilement et, dont l’intérieur, le gléba, n’offre pas le beau noir et blanc, bien contrasté de la Melano.Quant à l’odeur forte en musc et en éther, elle devrait ne pas se confondre avec celle plus délicate de sa chère consœur. A moins de 200 euros le kg, l’affaire semble simple. Pas sûr, car les deux se récoltent aux mêmes endroits et se trouvent souvent mélangées à la vente. L’amateur averti se méfie. Il a peut être tort car la Brumale, si elle propose peu de saveur lorsqu’elle est crue, résiste mieux à la cuisson que la Mélano qui perd tous ses moyens au dessus de 60°. Nous y reviendrons.

Et la Chinoise ? Voilà l’ennemie ! Elle est arrivée officiellement  en France en 1995 ; vendue huit fois moins cher, elle a la couleur, la forme, l’aspect de la vraie truffe… mais elle est sans saveur. Pire, placée au milieu de Melanos, elle en prend le parfum. Comme il s’en importerait 20 tonnes par an, il est facile d’imaginer les mauvais usages que l’on peut faire de cette Chinoise.

Mais d’où viennent les honnêtes Tuber ? Des truffières alentours, car il se dit que la truffe se ramasse à maturité, de novembre à mars, et doit se consommer dans la semaine qui suit sa venue au jour. Déterrée par le chien dressé à repérer le précieux champignon grâce à son odeur, corps vivant, de type champignon, elle se développe dans le système racinaire du chêne vert ou blanc, sous une dizaine de centimètre de terre dont le  PH doit être supérieur à 7,9. Le chien gratte avec ses pattes avant, le maître fouille avec une sorte de petit outil aux bords non coupants. Pour chaque trouvaille, le chien est récompensé d’une caresse et d’une friandise. D’autres méthodes ? Il n’y en aurait pas. Le cochon, la mouche, la baguette de sourcier, relèveraient des contes et légendes. Par contre ce qui est vrai, c’est le vol, de truffes, mais aussi de chiens : ils s’achètent jusqu’à 2 000 euros.

Que faut-il donc faire pour récolter cet or noir si convoité ? Ignorée des Egyptiens et de la Bible, la truffe figure, au même titre que les autres champignons, dans les textes des meilleurs auteurs comme Pline l’Ancien, avant de disparaître des textes pour refaire surface à la table des princes et dans les écrits des chroniqueurs au XVIème siècle.

Pour qu’il y ait des truffes il faut cinq éléments : le sol, le mycelium, l’arbre, l’eau et le soleil. Aujourd’hui, seul le dernier élément, le soleil, n’est toujours pas domestiqué. Le reste est affaire de savoir et de savoir-faire : la production varie au gré des engouements pour la vigne, lorsque les terres consacrées au vin reculent, les truffières se développent, l’Inra certifie des plans de chênes mycorisés qui se développent en huit ans, le sol s’amende d’engrais organiques, l’arrosage se fait par aspersion. Nulle poésie et guère de mystère dans tout cela.

Reste à déguster, nature, sur une tranche de pain légèrement grillé ou à cuisiner délicatement.

Râpée à l’aide d’une mandoline sur des pâtes ou finement moulinée dans une purée pour accompagner une volaille rôtie, la Melano, c’est clair, ne doit pas cuire, sous peine de se perdre. Au diable les pâtés truffés, les poulardes demi-deuil et boudins truffés à 1%. Les puristes les récusent. Conservons quand même la brouillade patiemment tournée dans un cul de poule, au bain-marie.

A propos de Marie et pour conclure, la truffe serait le symbole de cultes anciens et mystérieux qui de druides, en pèlerins de Compostelle, de Vierges noires en Grand Inquisiteur célèbreraient tous la Déesse-Mère et ses incarnations. Un dernier conte, pour rêver…

P1010003

30 janvier 2009

jour froid

glace, givre et soleil d'hiver

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